L’une des premières personnes à m’inspirer dans ma petite vie de vingtenaire n’est autre que ma maman. Je sais, ça parait “plan-plan”, mais je vous promets que quand vous lirez son interview ci-dessous, vous serez aussi impressionnés que moi par son parcours et sa détermination à semer le bonheur dans la vie des gens. Qui sait, vous serez peut-être aussi attendris par sa douceur, son authenticité et son empathie sans limite.
Pour commencer cette interview, peux-tu définir ton métier de Psychologue?
Fati: Mon rôle consiste à accompagner les personnes qui font face à des difficultés dans leur vie, que cela soit une difficulté passagère comme un deuil ou un licenciement, ou que cela soit une problématique plus profonde et ancienne pouvant générer une dépression ou de l’anxiété, par exemple. J’apporte d’abord à ces personnes un soutien, car c’est souvent ce dont elles ont besoin quand elles viennent à moi pour la première fois, puis je les aide ensuite à développer des compétences et habiletés qui leur permettent de s’observer et, entre autres, d’observer leur ressenti en termes d’émotions et de sensations. Je les aide à accueillir ces émotions et sensations pour qu’elles puissent savoir quoi en faire et comment réagir face à leur situation.
Mon objectif global est de permettre à mes patients de devenir autonomes dans la gestion de leur vie et de tous ces événements difficiles qui peuvent y surgir. C’est d’ailleurs le principe de la psychothérapie cognitivo-comportementale: j’offre des outils de compréhension des émotions, des pensées et des comportements permettant de faire face à des circonstances difficiles en meilleure autonomie.
Peux-tu approfondir au sujet du type de thérapie que tu proposes à tes patients?
Plus précisément, je propose une thérapie d’acceptation et d’engagement (ou «ACT», pour acceptance and commitment therapy). Ce type de thérapie repose sur des outils d’auto-observation qui permettent aux patient.e.s de développer leur flexibilité psychologique. Dans l’ACT, deux processus sont fondamentaux: le processus d’acceptation (réussir à accepter d’être traversé par des pensées, émotions, souvenirs… même douloureux) ainsi que le processus de changement de comportement et d’engagement (c’est-à-dire s’engager dans des actions qui font sens pour nous).
Ce travail psychothérapeutique permet de prendre conscience de ses stratégies d’évitement, c’est-à-dire tout ce que l’on peut mettre en place afin d’éviter ou de contrôler des émotions, comme la peur par exemple. Le.a patient.e comprendra que le problème n’est pas de ressentir l’émotion désagréable, mais tout ce qu’il.elle met en place pour ne pas la ressentir. Prenons le cas des phobies: les gens souffrant par exemple d’une phobie sociale ont tellement peur d’être au contact des autres que pour ne pas ressentir ce malaise, ils vont mettre en place une stratégie de retrait. Pour illustrer, un.e jeune n’ira plus en cours et ce n’est pas une chose qui convient non plus, puisqu’il.elle souffre de se priver d’éducation ou de sociabilisation. Cette souffrance peut s’avérer bien plus grande que d’être même au contact des autres. En bref, il s’agit d’arrêter de lutter, faire de la place à nos émotions pour nous engager dans l’action!
Pourquoi avoir choisi de pratiquer ce type de thérapie et pas une autre?
Simplement parce que cette thérapie correspond à ma personnalité et à mon propre vécu. J’ai en fait spontanément pratiqué les principes de la thérapie ACT dans ma vie personnelle. Face à mes expériences difficiles, j’ai naturellement su mettre en place des actions pour accueillir mes émotions, quelles qu’elles soient. Avant même de devenir psychologue, j’allais chercher ces pensées qui allaient générer en moi des émotions désagréables, pour observer les sensations qui les accompagnent mais surtout pour apprendre à ne pas en avoir peur et à accepter pleinement tous mes ressentis. En fait, cette thérapie correspond totalement à qui je suis et à la façon dont je vis. Moi aussi, je mets parfois en place des stratégies d’évitement, mais rien qu’en prendre conscience est efficace.
Petite, je me souviens t’avoir vu traverser une période difficile alors que tu étais déjà psychologue. Tu es de toi-même allée voir un psy et je me suis demandé pendant longtemps pourquoi, ayant la capacité d’accompagner des personnes en difficulté, as-tu eu besoin de consulter?
Selon moi, il est indispensable de consulter quand on pratique dans le domaine de l’aide aux personnes, et pourtant je ne suis pas fan du ‘il faut’… Que l’on traverse des moments difficiles ou non, il faut consulter à la fois pour protéger les personnes que l’on accompagne et pour se protéger soi même. Un.e psy peut entendre des histoires de vie qui font écho à sa propre histoire, alors si l’on ne fait pas de travail sur nous-même, on peut interpréter ces vécus de façon erronée et cela peut être dangereux.
Consulter une aide psychologique permet d’être meilleur dans la relation à l’autre et permet de ne pas mélanger sa propre histoire avec celle du.de la patient.e. Cela permet d’approcher le suivi d’une autre personne que soi avec neutralité et bienveillance. La base même du métier de psy, c’est la neutralité bienveillante.
Qu’est-ce qui, dans ta vie, t’as mené jusqu’à ce métier?
Je dirais que c’est la psychologie qui est venue à moi plutôt que l’inverse. Je suis un peu tombée dedans sans rien demander. J’avais très envie d’apprendre un métier de relation d’aide et je voulais à la base être éducatrice spécialisée sauf que je n’ai pas eu le concours. Je me suis donc orientée vers un DEUG de psychologie en attendant de le repasser, mais j’ai fini par tout simplement adorer ce domaine. Par chance, mes études ont été plus une passion que des études! J’ai vraiment grave kiffé, comme disent les jeunes (rires). A l’issue de mes études, j’avais vraiment très envie de travailler. Je n’ai pas forcément commencé par une mission qui me plaisait mais le contact avec les gens m’a quand même permis d’apprendre. J’ai fait en tout 5 ans d’études et de stages pratiques mais je dirais que l’on apprend vraiment toute notre vie.
Le tout premier poste qui m’a vraiment plu était dans une clinique, ou j’ai pu accompagner des personnes en suite d’AVC, d’amputations, d’opérations cardiaques… Ce fut un déclic pour moi, je voulais vraiment accompagner les personnes à faire face à ce qui venait de leur arriver et même au-delà, à faire un vrai travail d’acceptation. Ce que j’ai trouvé magnifique, c’était de voir ces personnes sourire pour la première fois après une lourde opération ou un grave accident, c’était de les voir s’investir dans leur rééducation. Ce sont ces moments qui ont donné tout leur sens à mon métier. Accompagner ces patient.e.s était bien-sûr un travail d’équipe mais tout de même une vraie confirmation pour moi.
Par la suite, parce que j’ai déménagé, j’ai dû trouver d’autres missions puis j’ai, entre autres, créé mon entreprise. J’ai fait des choses qui m’ont plu et d’autres… beaucoup moins. Celles-ci m’ont toutefois permis de savoir ce que je ne souhaitais pas faire et surtout de comprendre quelle psychologue je voulais être. J’ai travaillé pendant un temps avec des enfants au sein de l’Education Nationale (EN), ce que je n’avais jamais fait avant, et j’ai trouvé cette mission super enrichissante. Or dans un coin de ma tête, je savais tout de même que je voulais faire de l’accompagnement psychothérapique. J’ai donc fini par quitter l’EN, ai construit mon projet, me suis formée, puis me suis lancée et installée en tant que psychologue libérale. Aujourd’hui, après 15 ans d’expériences diverses, je suis vraiment heureuse… Un peu stressée évidemment, car je me mets une sacrée pression et je cherche à être aussi compétente que possible, mais je suis globalement épanouie dans ma voie professionnelle.
Quel est l’aspect de ton métier qui t’apporte le plus de satisfaction?
Le premier sourire, ou quand les patient.e.s me disent ‘j’ai accompli ça’ ou ‘j’ai décidé ci’, soit quand ils.elles arrivent à poser des actions qu’ils.elles n’auraient jamais posé avant. Par exemple, quand une personne a une phobie ou un trouble anxieux et qu’elle réussit à aller au-delà de ses stratégies d’évitement, c’est un pur bonheur pour moi. Parfois ces personnes reculent, mais il y a souvent de belles avancées. Sur cette note, j’aimerais mentionner que les reculades sont normales, importantes et jamais négatives! Elles poussent à réfléchir au ‘pourquoi’. J’aime d’ailleurs beaucoup utiliser la métaphore de l’escalier: parfois on rate une marche, parfois on reste bloqué, mais rien de cela n’est un souci, ces obstacles nous permettent d’apprendre et de se questionner. ‘Quelles actions puis-je mettre en place pour y arriver et gravir ces marches?’ J’apprends aux gens à se rendre compte qu’ils vivent souvent à ‘100 à l’heure’, avec la tête dans le guidon, et je les aide à enfin ralentir, même si ce n’est que pour 2 ou 3 minutes dans leur journée.
Beaucoup de personnes voient la méditation comme un exercice difficile à mettre en œuvre, tu proposes pourtant cette technique à tes patient.e.s. Peux-tu nous expliquer l’intérêt de cette pratique?
Dans l’acte, on parle de méditation, mais quand je m’y suis formée on appelait cela ‘pratique de l’attention’ car l’idée est de porter son attention sur certains éléments comme les ressentis et sensations physiques. Pour le coup, je ne pratique pas la méditation avec tout le monde car il est vrai qu’il peut être compliqué pour les personnes souffrant de troubles anxieux de se poser et s’observer. Je n’essaie de développer cette méthode qu’avec certaines personnes. Plus précisément, je les aide à porter leur attention sur les émotions qui les traversent, sur leurs pensées, sur leurs sensations physiques – avec l’aide d’un scan corporel guide de 2 ou 3 minutes, pouvant aller jusqu’à 7, leur permettant de revenir, de se situer dans l’instant présent – ou même sur le monde extérieur. Je les encourage à regarder ce qu’il se passe autour d’eux, cela peut être aussi simple qu’observer la couleur et les détails du papier-peint, sentir l’air, écouter les sons, goûter les saveurs et textures de son repas, toucher un support… Bref, je les guide vers l’utilisation de leurs sens et les aide à porter leur attention sur ceux-ci et ce qui les entoure pour quitter le tourbillon de leurs pensées.
J’aime beaucoup cet exercice car il peut être vraiment salvateur dans les moments ou l’on se sent mal. Il peut servir, par exemple, à identifier cette boule dans la gorge, ce truc qui nous gêne depuis un bout de temps. Après en avoir pris conscience, on peut porter son attention sur les pensées qui en sont la cause, puis on arrive à rationaliser ce qui se passe et enfin, à choisir quoi faire face aux événements qui nous tourmentent. D’ailleurs, il n’y a rien non plus de spirituel à cette pratique dans mon cadre de travail à moi, c’est simplement un exercice de développement de l’attention à soi et au monde. Il peut aider n’importe qui à enfin se poser et ressentir ses émotions et sensations au lieu de donner lieu à des stratégies d’adaptation comme, par exemple, aller faire du sport et s’y donner à fond pour oublier ses tracas. Faire du sport est évidemment un très bon complément, mais il faut aussi savoir ralentir et se regarder.
Tu parles maintenant de stratégie d’adaptation. Quelle est la différence entre celle-ci et la stratégie d’évitement?
Une stratégie d’adaptation est un ensemble d’actions ou de comportements que l’on met en place face à un événement extérieur à soi auquel, comme son nom l’indique, on essaie de s’adapter. Pour ce qui est de l’ordre du ressenti interne, on parle de stratégie d’évitement ou de contrôle.
Dans ma pratique de psychologue, je fais beaucoup de résolution de problèmes. Pour illustrer rapidement, quand on est confronté à un problème extérieur à nous même, on peut souvent agir sur ce problème et voir comment agir. Si le problème est interne, s’il est représenté par une émotion désagréable, on peut avoir tendance à vouloir contrôler ce qui se passe en nous. C’est à ce moment-là que l’on met en place des stratégies d’évitement, sauf qu’éviter des ressentis nous revient souvent de plein fouet, comme un boomerang. Une stratégie d’évitement n’est que temporaire, alors si l’on accepte de ressentir ses émotions, si on les accueille, si on prend le temps de les identifier, on gagne un peu plus de clarté sur l’information qu’elles nous donnent et on peut ainsi agir et les réguler. En psychologie d’ailleurs, on dit bien ‘réguler’ et non ‘gérer’. Gérer est synonyme de contrôle alors que réguler, c’est laisser passer ses émotions, un peu comme la circulation routière: tu laisses passer les voitures et tu les laisses suivre leur cours.
Je me suis rendue compte que personne n’apprend vraiment ce qu’est une émotion. On ne pense pas à ce qu’elle est vraiment: une sensation physique, qui dure de quelques secondes à quelques minutes et qui nous apporte une information qui nous permet de passer à l’action. Quand on a peur, qu’est-ce qui nous fait peur? Qu’est-ce qui me fait savoir quand je suis en danger? Quelle action mettre en place pour nous sauver de ce danger? Savoir réguler nos émotions nous apporte des réponses clés et nous permet de réagir et d’agir de façon adéquate. Si on fait en sorte de ne pas ressentir une émotion comme la peur, on ne peut pas accéder à cette information cruciale qu’elle nous apporte.
Quel est le plus grand défi auquel tu te vois faire face en tant que psychologue?
Ce qui est plus difficile pour moi, c’est quand je ne suis pas à même d’aider un.e patient.e, souvent quand le suivi relève plutôt d’un diagnostic psychiatrique. Dans ce cas, je le.la réoriente rapidement pour qu’un diagnostic soit justement posé et plutôt rapidement. Certaines personnes ont besoin d’être plutôt suivies par un psychiatre et ont parfois besoin d’un traitement médicamenteux pour stabiliser l’humeur et pouvoir agir de manière efficace. En tant que psychologue, j’ai été formée comme les autres à dresser un tableau clinique avec des symptômes, mais pas à dresser un diagnostic. Ne pas pouvoir aider certaines personnes est dur à avaler mais je l’accepte, car il est important de connaître ses limites, surtout en tant que professionnel, dans la relation d’aide et la santé.
Quand j’accompagne une personne que je ne peux pas aider, je lui explique donc pourquoi, je lui donne quelques billes et je lui fournis les coordonnées et ressources adéquates. Puis, même si je ne la vois plus, je pense à elle, j’espère qu’elle va bien, je me demande si son suivi l’aide au mieux.
D’ailleurs, penses-tu souvent à tes patient.e.s en dehors des séances?
La réponse est oui, mais ça ne déborde pas totalement sur ma vie personnelle. Je prépare mes séances, donc lors des mes lectures, je pense à eux.elles, ou parfois je pense, après un entretien, à une bonne métaphore que je pourrais leur donner et qui résonnerait avec eux.elles. Je leur envoie aussi des documents et des exercices à faire à la maison entre les séances.
Il y a quelques mois, tu as suivi une formation pour pouvoir mener des “Ateliers Philo”, dont tu as fait quelques séances dans une école primaire. Qu’est-ce qui t’as intéressé dans cette pratique et en quoi consistent-ils?
Ce qui me plait tout d’abord c’est de travailler avec des jeunes enfants. Ensemble, on aborde différentes émotions, on réfléchit à ce qu’elles représentent de façon philosophique. On travaille par exemple sur la joie pendant quelques ateliers, puis sur la tristesse. On fait d’ailleurs de la pratique de l’attention, ce qui leur permet d’observer et de s’exprimer sur ce qu’il se passe en eux et dans le monde. L’école où j’ai fait mes premiers ateliers est classée Rep+ (Les réseaux d’éducation prioritaire + concernent les collèges et écoles situés dans des quartiers ou secteurs isolés qui connaissent de grandes concentrations de difficultés), les petit.e.s qui y suivent leur éducation n’ont donc pas forcément accès à la culture ou autres moyens d’ouvrir leurs horizons. C’est donc super pour eux.elles d’avoir ces discussions philosophiques, de réfléchir tout.e.s ensemble, de développer des arguments ainsi qu’une écoute des autres… Le ‘top du top’, c’est quand je les écoute changer d’avis ou vraiment chercher à comprendre le point de vue et les ressentis des autres. Les enfants sont vraiment pleins de ressources et j’adore travailler avec eux.elles, apprendre grâce à eux.elles.
Quelles sont les valeurs que tu prends soin d’emporter avec toi, chaque jour, au bureau?
La bienveillance, le respect et être disponible, sans quoi je ne pourrais pas faire mon métier! Être vraiment présente à l’autre est coûteux en énergie, mais c’est mon travail. Être 100% à leur écoute, je le dois à mes patient.e.s.
Avant de boucler cette belle interview, pourrais-tu me donner les 3 mots qui te décrivent le mieux?
Je dirais tout d’abord ‘disponible’, dans le sens où je suis très à l’écoute. Ensuite, j’aime les gens, l’être humain, je ne sais pas trop quel mot utiliser pour ça mais je pense que cela me décrit bien. Et enfin, ‘enthousiaste’, presque toujours (rires).
Enfin, as-tu quelques conseils pour les futurs psychologues et notamment pour ceux qui voudraient se lancer dans l’auto-entrepreneuriat?
Mes conseils: consulter et se mettre au clair avec soi-même, puis ne rien lâcher de ses objectifs mais être flexible sur les postes, parce que chaque expérience, bonne ou moins plaisante, est pleine de ressources. Parfois, faire un petit pas de côté et puis continuer à avancer vers le poste que l’on veut vraiment peut apporter de belles surprises. Chaque expérience permet de construire notre pratique et notre façon de voir le monde. Être psychologue, c’est un vrai bonheur!
Mieux connaître Fati
Passionnée par son métier, Fati aide ses patients à trouver les ressources qui leur permettront de faire face à leurs difficultés et d’améliorer leurs relations avec eux même et avec les autres.
Au delà de la réduction de la souffrance psychique, son objectif est de permettre à chaque personne qu’elle accompagne de trouver ses propres clés pour un épanouissement personnel.
Commentaires récents